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« Le rapport Draghi évite la question épineuse du partage des rôles entre public et privé »

Au moment où le nouveau premier ministre français semble annoncer un retour de l’austérité budgétaire, le rapport de Mario Draghi a le mérite de se passer d’ambiguïté : l’Europe fait face à « un défi existentiel », et pour y répondre, il va falloir investir massivement. Pour assurer la décarbonation, la transformation numérique et la défense, il faudrait accroître les investissements annuels de 5 % du produit intérieur brut (PIB) européen. Ces niveaux (la part d’investissement passerait de 22 % à 27 % du PIB) n’ont pas été atteints depuis les années 1970 et ils représentent un pas de géant historique ; le plan Marshall, par exemple, ne représentait qu’entre 1 % et 2 % du PIB.
Mais comment s’y prendre ? Le financement public est évoqué, et ce pour deux raisons. Tout d’abord parce qu’il serait irréaliste de s’attendre à ce que le secteur privé prenne en charge l’intégralité de cet investissement supplémentaire ; ensuite, parce que le financement public doit contribuer à attirer le financement privé. Le rapport insiste sur la nécessité d’assurer l’émission régulière d’un actif sûr commun pour financer les biens publics européens, et il se désole de la taille restreinte du budget communautaire. Des rappels plus que bienvenus dans le contexte actuel.
Le thème central du rapport reste cependant la mobilisation du capital privé. Mario Draghi constate en effet que, malgré une épargne des ménages plus élevée en Europe qu’aux Etats-Unis (1 390 milliards d’euros contre 840 milliards), un fossé est apparu depuis la crise de 2008 entre l’investissement privé américain et européen, qui n’a pas été compensé par plus d’investissement public. Il y a donc eu tout bonnement moins d’investissement. Une question essentielle est donc posée par le rapport : comment mobiliser cette épargne privée ?
Une série de mesures sont évoquées : incitations fiscales, accélération de la titrisation, union des marchés de capitaux (UMC). L’émission d’un actif sûr commun y est d’ailleurs présentée comme une manière de réaliser l’UMC, et non pas comme un outil permettant de dégager davantage de financement public. Et il est précisé que la contrepartie d’un accroissement de l’endettement commun devrait être la mise en place des règles budgétaires européennes plus strictes, alors que les nouvelles règles sont déjà truffées de seuils arbitraires et qu’elles ont été négociées en ignorant la question du financement de la transition.
Pour mobiliser les capitaux privés, le rapport se concentre sur les investissements productifs. Il juge que ce stimulus pourrait avoir un impact négatif à court terme sur les finances publiques, mais qu’il serait en grande partie compensé par une hausse de la productivité. Ce constat omet que la transition suppose une part significative d’investissements non rentables : rénovation énergétique des logements, accompagnement social des plus démunis, réparation des dommages climatiques. Selon le cabinet de conseil McKinsey, près de la moitié des investissements de transition ne seraient pas attractifs pour le secteur privé. C’est également le constat du rapport Pisani-Ferry Mahfouz, qui propose une répartition à parts égales entre financement public et privé.
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